Robin Williams a rejoint le cercle des poètes disparus…
Quelle expérience étrange que de revoir, il y a quelques jours, le film « Le Cercle des poètes Disparus » de Peter Weir. Ce film avait littéralement bouleversé l’adolescente que j’étais lorsqu’il est sorti en 1989.
Passionnée de littérature et de poésie, j’avais alors adoré ce film. Un film qui mettait enfin en valeur les lettres, la poésie, qui en affirmait même la force vitale, beaucoup plus instinctive que le désir de devenir ingénieur, médecin etc. J’avais adoré la manière dont le film prenait le contre-pied de ce que je vivais chaque jour en cours dans mon collège versaillais, moi qui étais passionnée par les lettres, et l’art… mais à qui on martelait que cela ne me « nourrirait » pas… Robin Williams disait au contraire (avec mes mots à moi) : « oui, c’est bien de vouloir devenir notaire, médecin ou ingénieur… Mais la poésie, c’est l’amour, c’est la vie, chacun doit écrire son vers dans la grande poésie de l’univers ». La poésie, ce n’est pas pour décorer les bibliothèques, quand ça vous habite, ça vous habite… Vous ne pouvez pas faire sans. Vous ne pouvez pas vivre sans.
Bref, j’avais adoré ce film. J’avais adoré ce film comme des milliers d’adolescents qui se sentent tellement tiraillés entre leur désir de faire entendre leur voix singulière, et la peur de sortir du cadre éducatif normatif et de la sacro-sainte exigence d’être bon en maths. Etre bon en maths apparaissant comme la seule manière d’exprimer son intelligence. L’intelligence logico-mathématique… la seule forme d’intelligence ?
J’ai toujours gardé en mémoire le moment où le professeur Keating – alias le talentueux Robin Williams – vient « chercher » un de ses étudiants qui n’a pas réussi à écrire ses quelques vers, comme cela lui était demandé dans le cadre du cours. Le professeur averti avait bien perçu que si son élève n’avait pas réalisé l’exercice, ce n’était pas par négligence, par « fumisterie » (pour employer le vocabulaire ad hoc), ou par incapacité à le faire..
Tout au contraire, cet élève était touché par cet exercice, transpercé… Cet exercice piquait littéralement à vif son désir profond d’écrire des vers de qualité, et… son réel talent créatif.
C’est précisément parce que son désir est tellement fort d’écrire de la poésie – on voit d’ailleurs ce personnage chercher, raturer, chiffonner, jeter au panier à plusieurs reprises ses essais – qu’il renonce à réaliser l’exercice. Il capitule. Alors que les autres élèves, qui ne voient là qu’un exercice parmi d’autres, y sont grosso modo, bonant malant, parvenus.
Et finalement, sollicité avec habileté par son professeur, l’élève parvient à improviser, avec sa peur et en s’appuyant sur elle… un texte aux accents surréalistes, qui émeut toute sa classe :
« la vérité, c’est comme une couverture qui vous laisse les pieds froids. on a beau la tirer, la tirer, elle ne recouvre jamais… on lui donne un coup de pied il n’y a rien à faire, c’est pas mieux ! Depuis qu’on est arrivé au monde en criant, jusqu’à ce qu’on le quitte en mourant, elle ne recouvre que notre visage ! Et c’est pour cela qu’on crie, on geint, on pleure… »
« N’oubliez jamais ça » murmure Robin Williams à l’oreille de son élève dès qu’il « revient à lui » sous les applaudissements de la classe.
En réalité, ce qui émeut toute la classe, c’est ce moment de dévoilement que parvient à faire vivre le professeur à son élève, ce moment où l’élève sort de lui, pour révéler ce qu’il a en lui d’unique, de fort, de tellement singulier… Ce moment de dévoilement où l’élève, mis en confiance par son maître, dépasse cette peur d’être soi qui vient paralyser ce désir tellement fort de s’exprimer, de dire quelque chose au monde…
Ce thème du tiraillement profond entre la peur d’exprimer qui l’on est, d’exprimer sa différence, son unicité fondamentale, cette peur d’exprimer sa vision du monde, quelque loufoque qu’elle puisse paraître… et ce besoin irrépressible de l’exprimer, autrement dit ce besoin irrépressible de vivre, d’être qui l’on est… « tout simplement », tout tranquillement qui l’on est, malgré l’étrange, malgré le bizarre qui nous traverse… apparaît comme un leitmotiv dans toute l’oeuvre de Robin Williams.
A posteriori, il me semble que ce film contenait peut-être les prémisses de la fin tragique de Robin Williams, ce « personnage de clown » dont le rire s’appuyait sur tant de détresses intérieures.
Ce film a été décrié, commenté, traité de démagogique, taxé d’apologie du suicide… Certes, il a ses faiblesses…
Néanmoins, le regardant de nouveau, il y a quelques jours, j’y ai vu à quel point Robin Williams était avant-gardiste dans sa manière de décrier un modèle éducatif qui ne donne toujours pas place à l’expression des talents de chacun. J’y ai vu à quel point Robin Williams, et le réalisateur, voulaient dénoncer un modèle éducatif qui établit des courbes avec abscisses et ordonnées, à la manière du critique littéraire J. Evans Pritchard dont Keating fait déchirer les écrits dans le manuel de poésie, entre les différentes disciplines… Comme si la seule forme d’intelligence était l’intelligence logico-mathématique… Comme si, lorsqu’on était doué d’une sensibilité littéraire, par exemple, on devait se contraindre à la réserver pour les loisirs, car cette sensibilité ne nous ferait pas gagner notre vie.
Or, comme le dit si bien Sir Ken Robinson dans la conférence Ted qui a fait le tour du monde, et qui a été visionnée par des millions de personnes… Le monde d’aujourd’hui ne peut plus proposer ce système d’éducation standardisé, calqué sur un monde industriel et un modèle unique de production… de professeurs d’université, c’est-à-dire de têtes « sans corps », d’esprits désincarnés. Le monde d’aujourd’hui ne peut plus gaspiller ainsi les ressources… humaines. Les talents uniques de chacun. Mieux encore, le monde d’aujourd’hui a cruellement besoin des talents créatifs, de cette capacité qu’ont les personnes sensibles et intuitives à improviser, à s’adapter à des contextes sans cesse nouveaux… en se connectant à leur désir profond… comme le fait l’élève du professeur Keating… au prix d’une belle victoire sur lui-même
Le professeur Keating cite ces vers de H.D Thoreau :
« Celui qui avance avec sa confiance
Dans la direction de ses rêves
Connaîtra un succès inattendu
Dans la vie ordinaire. »
« Walden ou la vie dans les bois » (1854), H.D. Thoreau
Et vous, où trouverez-vous la confiance d’avancer dans la direction de vos rêves ?
Et vous, quel est le vers que vous avez à écrire dans la grande poésie qu’est l’univers ? L’écrire c’est déjà le rendre plus réel…
Vous pouvez le garder pour vous… ou bien l’écrire dans votre commentaire en dessous de l’article ?
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